Un nouvel algorithme capable d’anticiper les mouvements des soldats

Un nouvel algorithme de machine learning, financé par l’armée américaine, serait capable de décoder les signaux de l’activité cérébrale pour anticiper les mouvements des soldats. Il pourrait donc fournir du feedback en temps réel ou recommander des actions correctives avant même qu’elles aient lieu. La découverte a été relayée par le site web de l’armée…

Un nouvel algorithme de machine learning, financé par l’armée américaine, serait capable de décoder les signaux de l’activité cérébrale pour anticiper les mouvements des soldats. Il pourrait donc fournir du feedback en temps réel ou recommander des actions correctives avant même qu’elles aient lieu.

La découverte a été relayée par le site web de l’armée américaine, qui s’appuie sur une étude menée par une équipe de chercheurs de l’Université de Caroline du Sud Viterbi School Of Engineering publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature.

Isoler les signaux neuronaux

Avant qu’un mouvement se réalise, des signaux neuronaux s’activent dans une zone très spécifique du cerveau. Il a longtemps été difficile d’identifier les zones du cerveau stimulées par un mouvement précis, beaucoup d’actions se déroulant en simultanée. Par exemple, si je bouge mon doigt, mais que j’ai soif en même temps, un double signal cérébral sera émis. Arriver à isoler le signal qui concerne le mouvement du doigt seul posait d’énormes défis.

Mais les algorithmes ont permis de faire de grandes avancées dans ce domaine ces dernières années. En reconnaissant des modèles d’activation cérébrale qui se répètent grâce à l’apprentissage automatique (machine learning), ces algorithmes sont capables d’isoler les signaux correspondants à la zone du cerveau précisément stimulée lors d’un mouvement.

Cela a notamment permis de développer des interfaces cerveau-machine (brain-machine interfaces ou brain-computer interfaces), c’est-à-dire des systèmes capables de déclencher le mouvement d’un objet par la pensée grâce à un ordinateur qui interprète les signaux de l’activité cérébrale.

Fonctionnement d’une interface BCI (Brain Computer Interface) – image : Research Gate

Ces nouvelles interfaces ont permis de faire des progrès spectaculaires dans la réalisation de prothèses pour les mains ou les jambes pour les personnes handicapées. Un petit implant cérébral, qui traduit leurs pensées en actions, leur permet d’avoir des mouvements beaucoup plus précis pour bouger les doigts par exemple (comme dans cette démonstration vidéo de l’Université du Michigan).

L’interface cerveau-machine est aussi le concept sur lequel se base l’entreprise d’Elon Musk, Neuralink, qui veut “connecter les ordinateurs directement au cerveau humain” pour nous rendre plus performants.

Grâce à une puce dans le cerveau, le “super homme” de Musk pourrait réfléchir plus vite, augmenter ses capacités de mémorisation et prendre de meilleures décisions en temps réel.

L’implant cérébral développé par Elon Musk – image : Neuralink

Anticiper les mouvements

Aujourd’hui, ces modèles ont encore progressé et c’est tout l’objet de la découverte faite par les équipes du docteur Maryam Shanechi. Leur nouvel algorithme se montre encore plus performant dans l’identification des signaux cérébraux et leurs interprétations.

Les chercheurs l’ont testé sur des ensembles de données cérébrales pendant l’exécution de divers mouvements des bras et des yeux. Il surclasse largement les algorithmes existants dans l’identification des modèles neuronaux distinctifs (neural patterns) qui dirigent ces mouvements. Les zones d’activation sont donc reconnues avec beaucoup plus de précision.

Les possibilités derrière ça sont vertigineuses. Les chercheurs peuvent maintenant prédire le mouvement qui va être effectué juste en regardant les zones du cerveau activées à l’écran du moniteur. Un véritable outil capable de lire dans nos pensées…Ou, en tout cas, d’anticiper nos mouvements dans un premier temps.

On imagine très bien comment l’armée ou les forces de police pourraient s’emparer de la découverte. Et ce n’est pas un hasard si l’armée américaine a financé le projet.

En situation de combat, l’algorithme pourrait donner des indications de correction en temps réel sur la précision des tirs du soldat en fonction de l’intention détectée (la zone qu’il vise), des paramètres extérieurs (distance, vent) et de son état (niveau de stress, fatigue…)

Sécuriser et contrôler les armes ?

L’outil pourrait aussi être utilisé par la police pour aider les forces de l’ordre à viser des zones du corps qui peuvent neutraliser l’agresseur en cas de nécessité sans le mettre en danger de mort. 

Ce n’est pas la première fois que la technologie s’attaque à la question de la sécurisation des armes et de leur utilisation. 

L’entreprise américaine Identilock commercialise par exemple depuis 2014 une sorte de cadenas biométrique pour les armes de poing qui ne peut se désactiver que par les empreintes digitales de son propriétaire.

Le système de protection biométrique des armes Identilock – source : site web

Mais ces smart guns ont souvent été pointés du doigt par la très puissante NRA (National Rifle Association, le lobby des armes aux Etats-Unis). 

Le NY Times avait même réalisé une enquête sur la colère que de tels dispositifs avaient engendré à l’époque, car ces sécurités empêcheraient un bon fonctionnement du pistolet. Dans les faits, c’est surtout la peur de voir plus de contrôles sur les armes à feu qui motive les critiques.

Il sera intéressant de voir l’accueil que la NRA et consorts vont réserver à de tels algorithmes qui pourraient, certes, empêcher certaines bavures policières en offrant une assistance au tir, mais aussi introduire beaucoup plus de contrôle et de surveillance dans l’utilisation des armes. 

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