En avril prochain, Nyan Cat aura 10 ans. Pour célébrer cet anniversaire, son créateur Chris Torres a remasterisé la version originale du GIF le plus connu du monde, pour la vendre comme oeuvre sur le site internet de crypto-art Foundation.
Mis aux enchères pendant 24 heures, le GIF s’est finalement vendu le weekend dernier pour 300ETH ((Ethereum est un réseau de blockchains décentralisées qui produit une cryptomonnaie: l’Ether.)), l’équivalent de 384 000€.
Nyan Cat, un mythe de la culture web
Le Nyan Cat est un mème popularisé par une vidéo née sur YouTube un 6 avril 2011.
En à peine quelques jours, la vidéo atteint plusieurs millions de vues. Phénomène viral, “Nyan Cat” est repris par des dizaines d’internautes qui rallongent sa version initiale de 3 minutes 36 à 10, puis 24 heures. Là encore, ces vidéos cumulent un nombre ahurissant de vues.
Mais la version originelle de ce chat vient de l’illustrateur Chris Torres (sous le pseudo @prguitarman) qui, le 2 avril 2011 publiait le premier Nyan Cat sur son site LOL-COMICS. C’est un mélange de chat de cartoon et de Pop-Tart (célèbres grillardises américaines, l’équivalent de nos “Cracottes” françaises). Dans une interview au site internet Pop Goes The Week, Torres raconte comment l’idée du Nyan Cat est née: “Je faisais une collecte de dons pour la Croix-Rouge et entre deux dessins dans mon chat vidéo Livestream, deux personnes différentes ont mentionné que je devrais dessiner un “Pop Tart” et un “chat”. Ce chat, c’est également l’inspiration de son chat Marty, mort en 2012.

Quelques jours plus tard, le chat est animé et mis sur Youtube par l’utilisateur saraj00n qui y ajoute la chanson japonaise “Nyanyanyanyanyanyanya!” (publiée en 2010). Le “Nyan” c’est l’équivalent nippon de notre “Miaouh”. Un miaulement répété, un chat hybride wtf, la recette d’un meme mythique. Aujourd’hui, la vidéo du 6 janvier 2011 cumule plus de 185 millions de vues 😳.
En 10 ans, Nyan Cat a été décliné à toutes les sauces : des centaines de mèmes, évidemment. Mais aussi en barre de progression de lecture pour Youtube, en cosplay, en camion, et finalement en à peu près tout et n’importe quoi, dont pas mal d’objets dérivés à vendre.
C’est quoi, le crypto-art ?
De plus en plus populaire ces dernières années, le crypto-art a connu en 2020 sa meilleure période. Il s’agit d’un système d’oeuvres d’art digitales directement reliées à la blockchain dans la forme de NFT (non-fungible tokens), qui rendent l’achat, la propriété, l’échange ou la revente d’une oeuvre d’art sécurisée et vérifiée à travers un système de cryptographie. Ces jetons numériques sont donc uniques et irremplaçables. Ces NFT s’enregistrent dans la blockchain, qui va authentifier et rendre infalsifiables les données et les transactions d’une oeuvre.
Pour beaucoup d’artistes, le crypto-art est une véritable révolution. Depuis ses origines, Internet a favorisé la circulation gratuite et libre de la culture et des informations. Pour beaucoup “d’artistes numériques”, ce modèle a rendu quasiment impossible une éventuelle capitalisation en ligne de leur talent. Mais avec le développement récent de plateformes telles que Zora, Rarible, Foundation ou Superrare, un marché de l’art alternatif a émergé, permettant à de nombreux artistes de vendre leurs créations numériques.

Ce fut notamment le cas de Sean Lennon, fils du chanteur des Beatles et de Yoko Ono, qui avait vendu en fin d’année dernière un dessin sur Rarible pour l’équivalent de 3 200$.
Signe de la démocratisation du crypto-art, la grande société britannique de mise aux enchères Christie’s, a récemment annoncé qu’elle mettrait à la vente “Everydays: The First 5000 Days“, une oeuvre d’art de Mike Winkelmann (aussi connu sous le nom de Beeple), qu’il sera possible d’acheter avec des NFTs.
Le crypto-art peut toutefois prendre une forme beaucoup plus abstraite. En 2018, l’artiste irlandais Kevin Abosch a vendu son oeuvre numérique Forever Rose à dix collectionneurs (dont des cryptoinvestisseurs) pour un total de 1 millions de dollars. Chaque acheteur a reçu un dixième de la photo virtuelle sous la forme d’un token.
Le site spécialisé La Gazette Drouot rapporte les explications de la chercheuse Primavera De Filippi (“Blockchain et crypto-monnaies“) quant à l’intérêt de telles pratiques: “En associant une œuvre numérique à un token (“jeton numérique”, ndlr) sur la blockchain, les artistes peuvent désormais transférer la propriété de cette œuvre ou en licencier les droits” et le site d’ajouter: “Un coup de pouce pour le droit d’auteur des artistes, pas seulement digitaux, prouvant la paternité de leur œuvre. Ce qui signifie également que plusieurs personnes peuvent s’en partager la propriété”.
L’avenir de l’art ?
Deux principales visions s’opposent quant à la démocratisation de ces plateformes. Certains observateurs, comme Jean-Marc Koskievic (professeur à la Paris Business School), considèrent que ce marché de l’art est voué à devenir entièrement “spéculatif”. Pour lui, “l’art devient un actif comme un autre” ce qui entrainera un marché de l’art “aussi volatile que le cours du bitcoin”.
Mais pour les artistes comme Chris Torres, la blockchain est bienvenue car elle apporte de la transparence dans le marché et permet surtout de certifier la provenance d’une oeuvre et son authenticité, comme nous venons de le mentionner. L’achat peut également être motivé par le prestige qui accompagne la possession d’une oeuvre. On devient alors “l’unique détenteur des droits de cette oeuvre”. Sorte d’équivalent post-internet du fait de posséder un véritable Rembrandt dans son salon. Pour les acheteurs, le crypto-art représente une meilleure façon de soutenir les artistes qu’ils aiment, à travers une contribution financière directe. Contribution que ces artistes n’auraient pas reçu selon les standards du marché de l’art traditionnel. Pour Torres, cela redonne “du pouvoir au créateur” et cela lui permet d’être rétribué pour un travail qui se serait, de toute façon, propagé gratuitement sur internet.