Source : Spencer E Holtaway / CC BY-ND 2.0

À quoi ressemble vraiment le Top 10 des liens partagés sur Facebook ?

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Un journaliste du New York Times recense chaque jour les publications sur Facebook qui suscitent le plus de réactions des utilisateurs américains afin d’identifier les succès d’audience et leurs sources souvent conservatrices, voire complotistes. Ses résultats et sa méthodologie ont obligé le réseau social à réagir pour préciser les choses.

Lancé en juillet dernier, le compte Twitter @FacebooksTop10, désormais suivi par près de 32 000 abonnés, résume ainsi sa raison d’être dans sa biographie : “chaque jour, je publie les sources du top 10 des publications avec lien de pages Facebook américaines, classées par nombre total d’interactions”

A titre d’exemple, voici ci-dessus le top 10 des liens ayant le plus “performé” le jour de l’élection américaine. Si la plupart des médias ou politiciens sont connus en France, précisons que Dan Bongino est un commentateur conservateur vu sur Fox News – il a récemment déclaré au New York Times ne pas savoir d’où vient le succès grandissant de sa page Facebook. Quant à Ben Carson, il s’agit d’un neurochirurgien afro-américain conservateur membre de l’administration Trump, qui dispose avec son épouse Candy d’une page Facebook commune attirant plus de 5,3 millions d’abonnés.

Le compte @FacebooksTop10 utilise un outil développé par Facebook, Crowdtangle, pour collecter ses informations. Pour amasser des donnés, Crowdtangle scanne les contenus des plus de 6 millions de pages, groupes et profils vérifiés sur Facebook, notamment tous les groupes (publics) et pages ayant plus de 100 000 likes. Officiellement, l’outil ne s’intéresse pas aux utilisateurs lambda mais aux émetteurs influents, en se focalisant sur les interactions (commentaires, likes) qu’ils suscitent, sans pour autant distinguer (par âge, localisation, etc.) les internautes ayant réagi.

La politique, très minoritaire sur Facebook

Géré manuellement par Kevin Roose, journaliste tech au New York Times, cet aperçu quotidien de “ce qui marche” (a priori) sur Facebook a été particulièrement scruté durant cette période de campagne électorale, puis de (non)-transition chaotique. Censée démontrer la prédominance récurrente des publications de la droite la plus réactionnaire et complotiste sur le réseau social, cette initiative a valu à Roose plusieurs critiques sur sa méthodologie, provoquant même une réponse officielle de Facebook.

Intitulé Que voient vraiment les gens sur Facebook aux Etats-Unis ?, ce texte publié le 10 novembre est signé Alex Schultz, vice-président en charge des données et directeur marketing pour le réseau social. Après avoir minimisé le volume de contenus politiques parmi ceux “vus” par les utilisateurs américains de Facebook (ils constituent 6% des publications venant de contacts ou de pages), Schultz énumère les deux limitations principales des analyses basées sur Crowdtangle :

  • Primo, “les likes et les commentaires ne sont pas équivalents au reach (la portée) des contenus”.
  • Deuzio, “les publications des Pages constituent une minorité de ce qui se passe sur notre écosystème”

Outre ces précisions, Schultz considère que les tops du compte @Facebookstop10 sont faussés en ne se focalisant que sur les publications contenant un lien (vers un article, par exemple), sans prendre en compte les autres types de posts (image, vidéo hebergée sur Facebook, simple texte, etc.). Il livre ainsi des chiffres d’audience – étalés sur une semaine et non 24 heures- sensiblement différents que ceux compilés par Kevin Roose, ayant contrairement à lui accès aux chiffres du “reach” (portée) des publications, soit le nombre de personnes qui “voient” dans leur flux les contenus, sans pour autant interagir avec en likant ou commentant  :

Des fake news pas si fake

Ce débat sur la fiabilité des analyses du compte (qui s’est prolongé dans un article du site OneZero) pointe surtout le manque de transparence du réseau social sur ses chiffres d’audience. Alex Schultz le reconnaît à demi-mot dans son texte, et signale que Facebook travaille en partenariat avec des chercheurs via le projet Facebook Open Research and Transparency (FORT). Rattachés à diverses universités, plusieurs d’entre eux ont effectué des travaux durant la campagne électorale : leurs publications scientifiques sont attendues l’année prochaine. Elles permettront d’y voir plus clair que les “ébauches d’analyse”, comme les qualifie Schultz, que son propre texte et le compte @FacebooksTop10 ont fourni

Le temps long de la recherche plutôt que la réaction médiatique quotidienne : d’aucuns verront dans cette situation le symbole d’une nécessaire prise de recul sur l’instantanéité des réseaux sociaux. Surtout lorsque leurs “observateurs-participants” font preuve de précipitation ou d’imprécision dans leurs critiques. Le 10 novembre, Kevin Roose a ainsi mis en avant 4 articles piochés parmi les 10 liens ayant suscité le plus d’engagement sur Facebook au cours des dernières 24 heures, en les commentant ainsi : “Facebook foisonne vraiment de désinformation de droite en ce moment”

Problème : ces quatre infos publiées par des sites pro-Trump taxées de “désinformation” par le journaliste du New York Times étaient en réalité authentiques et vérifiées, comme l’a expliqué le site The Wrap. Roose a tenté de se défendre ainsi : “pour les conservateurs énervés par ça : oui, c’est possible qu’un article soit factuellement correct *et* partie prenante d’une campagne de désinformation destinée à saper la confiance dans une élection”. A l’heure actuelle, cette précision a été retweeté 313 fois, alors que son tweet initial trompeur, non supprimé, culmine à 3800 retweets.

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